Ousmane Sonko monumental : le peuple en scène, le doute hors champ

 

Il y a des soirs où la politique cesse d’être un métier pour redevenir un serment. Le 8 novembre 2025, au cœur des rumeurs et des manœuvres, Ousmane Sonko a convoqué le téra meeting comme on convoque la vérité : non pour répondre, mais pour rétablir. Face aux attaques d’Abdourahmane Diouf et aux calculs d’une coalition qui se rêvait bouclier autour du Président, il a rendu la parole à la seule instance légitime : le peuple. Ce moment marquera la redéfinition de la loyauté. Elle a cessé d’être un mot d’ordre pour redevenir une vertu politique. Et dans cette clarté retrouvée, la République a rappelé qu’elle ne se divise pas entre ses serviteurs, elle se renforce par ceux qui la servent avec droiture.

Le téra meeting du 8 novembre 2025 restera comme le moment où le pouvoir s’est rappelé à lui-même. Ni démonstration de force ni geste de défiance, il a été un acte d’équilibre : un recentrage lucide au cœur d’une séquence où le doute, savamment distillé, cherchait à miner la cohérence du régime. En convoquant la foule, Ousmane Sonko a fermé une parenthèse. Il a replacé la trajectoire du pouvoir dans sa vérité originelle, celle d’un binôme politique né du suffrage populaire et non d’une juxtaposition d’ambitions.

Car avant le rassemblement historique, il y eut le vacarme. Abdourahmane Diouf, ministre et allié, avait ouvert un front interne en ciblant la coalition Diomaye Président, accusée d’obsolescence, et en appelant à “rebâtir” autour du chef de l’État une coalition présidentielle censée le protéger. Sous couvert de fidélité, il s’agissait d’un repositionnement stratégique : isoler le Premier ministre, redessiner les cercles d’influence, substituer à la légitimité issue des urnes une loyauté d’appareil. En filigrane, cette offensive visait à délier ce que l’histoire avait uni : la rigueur institutionnelle de Diomaye Faye et la vitalité populaire d’Ousmane Sonko.

Mais la manœuvre a produit son contraire. En ramenant la parole au peuple, Sonko a déplacé le terrain du débat. Il n’a pas cherché à convaincre les élites, mais à ressouder la base. En un seul soir, il a rappelé que le pouvoir, pour durer, doit se relier à son origine : la confiance populaire. Le téra meeting fut donc une réponse à plusieurs niveaux, politique, psychologique, symbolique. Il a mis fin à la confusion entretenue entre loyauté et allégeance, rappelant que la première relève du devoir, la seconde de la servitude.

Cet épisode dépasse la polémique. Il marque le premier test de maturité du régime Diomaye–Sonko. Pour la première fois depuis la victoire du 24 mars, le pouvoir a dû se jauger, mesurer sa capacité à rester uni sous tension. À cet instant, le verdict fut rendu : le leadership reste partagé, mais la direction, elle, demeure claire. Loin d’affaiblir la présidence, Sonko a consolidé sa légitimité par la cohérence. Loin de concurrencer Diomaye, il a protégé la présidence en la préservant de la manipulation. Car dans la hiérarchie républicaine qu’ils incarnent, l’un donne la vision, l’autre la voix.

La force de ce tandem réside précisément dans cette complémentarité assumée. Diomaye Faye, en gardant le silence au lendemain du rassemblement, n’a pas esquivé : il a confirmé. Par cette retenue, il a scellé le sens de l’événement. Ce mutisme présidentiel fut moins une distance qu’une marque de confiance : celle d’un chef d’État qui comprend que l’ordre se restaure parfois dans la parole maîtrisée d’un Premier ministre. Ce dialogue implicite entre l’autorité et la ferveur, entre la présidence et le terrain, est la matrice même du projet qui les unit.

Ce moment restera comme un signal adressé à tout l’échiquier national. À l’opposition, Sonko a rappelé que le peuple n’est pas une réserve de colère, mais un socle de vigilance. À la majorité, il a signifié que la loyauté ne se prouve pas en cultivant le soupçon, mais en renforçant la cohérence du projet commun. À l’administration, il a imposé une exigence : servir sans se servir. Et à la République tout entière, il a rappelé que l’unité ne se décrète pas dans les conseils des ministres, mais se construit dans la confiance entre ceux qui gouvernent et ceux qui consentent.

En vérité, le téra meeting fut un acte de réhabilitation politique. Il a rétabli le pouvoir dans son axe et la loyauté dans son sens. Il a dissipé les illusions d’un leadership éclaté pour redonner sa densité à la ligne présidentielle. En choisissant la démonstration plutôt que la réaction, Sonko a rappelé que la légitimité ne se revendique pas : elle se réactive. Et dans ce retour à la source, le peuple a reconnu ce qu’il avait élu, un duo d’action, non un attelage de circonstances.

C’est d’ailleurs au nom de cette cohérence retrouvée que ceux qui ont voulu se constituer en contrepoids devront assumer leurs choix. On ne peut prétendre protéger un Président tout en sapant l’architecture politique qui lui donne sa stabilité. Ceux qui ont voulu redessiner les loyautés autour de leur propre agenda devront désormais s’effacer ou s’aligner. Le régime n’a pas besoin d’une pluralité d’axes ; il a besoin d’une pluralité d’énergies autour d’une seule direction.

Mais le téra meeting ne fut pas qu’un rappel : il fut une relance. Il ouvre une nouvelle séquence pour le pouvoir. Celle de la performance attendue, des résultats tangibles, de la transformation visible. Après la clarté vient le rendement. Après l’ordre, vient l’efficacité. Le Sénégal entre ainsi dans la phase où l’autorité politique doit se convertir en autorité d’action. Les livrables seront désormais le langage du leadership.

Ce moment marquera durablement la mémoire politique du pays. Entre la tentation du calcul et la rigueur du principe, la République a choisi la clarté. Et dans cette clarté, Ousmane Sonko a rappelé une vérité simple mais redoutable : le pouvoir n’appartient pas à ceux qui l’entourent, mais à ceux qui l’assument. Le téra meeting ne fut pas une réponse à la crise ; il fut la fin d’une illusion — celle qu’on pouvait protéger le Président en isolant son peuple, ou diviser le pouvoir en prétendant le servir. Désormais, le cap est posé, la ligne tracée. Le reste suivra, ou se dissipera.

Hady TRAORE

Expert-conseil

Gestion stratégique et Politique Publique-Canada

Fondateur du Think Tank : Ruptures et Perspectives

hadytraore@hotmail.com