Le gorgorlou sénégalais sous le fardeau fiscal

Les Sénégalais trinquent, encore et encore. Après Orange, Auchan et Canal+, voilà que Sen’Eau entre dans la danse fiscale. La société annonce, l’air de rien, l’application d’un droit de timbre de 1 % sur tous les paiements en espèces. Une goutte d’eau, dit-on ? Peut-être. Mais quand chaque acteur du quotidien y ajoute sa goutte, c’est un océan de taxes qui finit par engloutir le consommateur.

La mesure, introduite par la loi n°2025 du 27 septembre 2025, s’applique depuis le 4 octobre. Elle s’inscrit dans la réforme du nouveau Code général des impôts, censée « mobiliser davantage de ressources endogènes ». Comprenez : trouver de l’argent là où il reste encore quelques francs à gratter dans les poches du goorgorlu. Car en plus de cette taxe, le consommateur continue de payer les 18 % de TVA. Double peine pour des ménages déjà à bout.

Mais ce n’est pas fini. L’Assemblée nationale a également adopté une taxe de 0,5 % sur les transferts d’argent, plafonnée à 2000 F CFA. On nous rassure : les petits retraits, en dessous de 20 000 francs, seront épargnés. Ouf ! Encore heureux qu’on ne taxe pas les salutations sur WhatsApp. Dans un pays où les virements familiaux soutiennent des milliers de foyers, cette mesure touche directement le cœur du système de solidarité nationale.

Tout cela s’inscrit dans le grand chantier du Plan de redressement économique et social (Pres), ce programme censé remettre d’aplomb une économie essoufflée par la dette et la flambée des prix. Le président, lors du dernier Conseil des ministres, a appelé à « évaluer les impacts » de ces mesures tout en veillant à la préservation du pouvoir d’achat. Mais entre l’intention et la facture, le fossé se creuse.

D’autant que pendant ce temps, les fonds communs continuent de couler à flots pour certains agents des régies financières. Des primes de 15 à 30 millions par trimestre pour les inspecteurs des Impôts et Domaines ! Dans un pays où l’enseignant peine à payer son loyer et où l’infirmier attend ses indemnités, cela passe mal. Collecter des fonds serait-il plus méritant que sauver des vies ou former des générations ? La question brûle les lèvres.

Et pendant qu’on taxe tout ce qui bouge, la dette publique s’alourdit. Selon Reuters, le service de la dette atteindra 5490 milliards de F CFA en 2026, soit +11 % par rapport aux prévisions initiales. En 2028, il flirtera avec les 5000 milliards. L’État paie plus, emprunte plus et taxe plus. Une spirale qui inquiète autant qu’elle lasse.

Peut-être faudrait-il commencer le redressement par le haut. Dire adieu aux véhicules de fonction rutilants, aux per diem dorés à l’étranger, et à ces fonds spéciaux dont même le contribuable le plus modeste connaît désormais les contours. Car redresser un État, ce n’est pas qu’une question de chiffres. C’est aussi une question de style, de morale publique et de cohérence.

Le Sénégal d’aujourd’hui ressemble à une charrette tirée par un âne courageux — le peuple — pendant que les passagers discutent, à l’ombre, de la meilleure manière d’alléger… la charrette. Sauf qu’à force d’ajouter des taxes sur tout, il ne restera plus qu’à taxer le sourire, le droit à l’amour ou au soulagement, comme l’a ironisé un internaute.

À ce rythme-là, même le rire deviendra une ressource endogène.

Auteur:seneweb