Pastef-Fmi : Amour sous conditions

Entre le Fonds monétaire international (Fmi) et le régime issu de Pastef, c’est une relation faite de soupçons, de nécessité et de contradictions. Un tango diplomatique où l’on s’observe, une partie critique, mais où, au fond, elle sait qu’elle ne peut vraiment se passer de l’autre. Car au-delà des discours enflammés et des postures idéologiques, la réalité économique finit toujours par rattraper la rhétorique politique.

Il y a quelques jours encore, le Fmi faisait figure de bouc émissaire. Sur les réseaux sociaux et dans certains cercles proches du pouvoir, les critiques fusaient contre cette institution jugée incapable d’apporter des solutions concrètes aux défis économiques du Sénégal. En cause, le report par son Conseil d’administration du vote d’une dérogation permettant au pays d’accéder à de nouvelles liquidités. Un simple report technique, selon le Fmi, mais perçu à Dakar comme une sanction voilée, voire un camouflet.

Et pourtant, quelques jours plus tard, à Washington, l’ambiance a radicalement changé. Le ministre des Finances et sa délégation, en mission officielle, ont obtenu des signaux positifs. Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI, s’est voulue rassurante : « Le Sénégal a un grand potentiel. Avec une bonne gestion, il peut accomplir de grandes choses pour son peuple. » Des propos conciliants, presque bienveillants, qui tranchent avec la tension des dernières semaines.

Cette même Georgieva a d’ailleurs reconnu les efforts de transparence du nouveau pouvoir. Oui, il y a eu « une dette cachée », mais les autorités l’ont « mise en lumière ». Un aveu rare, presque un satisfecit adressé à un gouvernement qui, depuis un an, accuse l’ancien régime d’avoir dissimulé la réalité du déficit public. Le Fmi a pris son temps, dit-elle, pour « évaluer les causes, l’ampleur et les solutions » — et désormais, tout est « plus clair ».

Par conséquent, une mission du Fonds se rendra bientôt à Dakar pour finaliser les contours d’un programme de coopération. Ironie de l’histoire, cette annonce a été largement relayée… par les mêmes responsables du parti au pouvoir qui, quelques jours plus tôt, vouaient le Fmi aux gémonies. Les réseaux sociaux se sont enflammés à nouveau, cette fois pour saluer « la reconnaissance » du Fonds. Du rejet à l’adhésion, il n’aura fallu que quelques tweets.

Cette oscillation permanente entre défiance et dépendance interroge. Le président Bassirou Diomaye Faye, soucieux d’apparaître comme un chef d’État pragmatique et ouvert, affiche sa volonté de travailler avec les institutions financières internationales. Pendant ce temps, son Premier ministre, Ousmane Sonko, fidèle à sa fibre souverainiste, continue de dénoncer les logiques néolibérales imposées par ces mêmes institutions. Deux discours, deux tempos — mais un même orchestre gouvernemental.

Faut-il y voir une stratégie de communication, une répartition des rôles entre les dirigeants ? Ou bien un réel flottement dans la ligne économique du régime ? Quoi qu’il en soit, le pays n’a guère le luxe de l’indécision. Entre les promesses de rupture et la réalité des caisses de l’État, l’équilibre reste fragile.

Car, qu’on le veuille ou non, coopérer avec le Fmi n’interdit pas la souveraineté. Rien n’empêche le Sénégal de revoir ses mécanismes d’attribution des marchés publics, de lutter contre l’évasion fiscale, de renforcer l’épargne nationale ou de solliciter les ressources de la diaspora. L’autonomie économique ne se décrète pas contre le Fmi, elle se construit malgré lui — ou avec lui.

Au fond, le débat ne devrait plus être de savoir s’il faut « aimer » ou « rejeter » le Fmi. La vraie question est celle de la cohérence. Si le gouvernement estime qu’il peut se passer du Fonds, qu’il en tire toutes les conséquences, sans tambour ni trompette. Mais s’il choisit de composer avec cette institution, qu’il l’assume aussi, sans hypocrisie. L’histoire économique du pays nous enseigne que la fierté nationale et la rigueur budgétaire peuvent cohabiter — à condition de parler d’une seule voix.

Aujourd’hui, le Sénégal a besoin de stabilité, de clarté et de constance. Le Fmi, lui, n’a pas changé. Il prête à ceux qui inspirent confiance…

Auteur: seneweb