La dette publique du Sénégal s’élève aujourd’hui à près de 119 % du PIB. Un chiffre qui, de prime abord, peut alarmer. Pourtant, pour le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr, cette situation ne traduit pas une dérive structurelle, mais un moment de transition économique.
Invité de l’émission « L’Économie » sur RFI, il a tenu à rétablir la perspective : « 119 % du PIB, ça peut faire peur en termes de ratio, mais la maturité moyenne de la dette sénégalaise, c’est entre neuf et dix ans. Le coût moyen de la dette extérieure est de 3,5 %, celui de l’ensemble de la dette se situe autour de 4 à 4,5 %. »
Le ministre estime que « la dette ne coûte pas cher, si on la compare au taux de croissance » et qu’elle demeure soutenable.
Selon lui, la hausse du déficit budgétaire est liée à « des dépenses extra-budgétaires qui n’avaient pas été de façon transparente comptabilisées ». Il précise toutefois que « le déficit est projeté à 7,8 % en 2025 et à 5 % dans la loi de finances de 2026 ». Ce rééquilibrage, explique-t-il, permettra d’atteindre « un déficit primaire nul », condition essentielle pour stabiliser la dette.
Interrogé sur la capacité du Sénégal à continuer d’emprunter, Abdourahmane Sarr écarte tout risque de rupture avec les marchés. « Pouvoir emprunter, ce que ça veut véritablement dire, c’est pouvoir refinancer. Ça arrive à échéance sans difficulté », a-t-il assuré.
Il a rappelé que le pays figure parmi les Frontier Markets, ces économies émergentes capables d’accéder aux financements internationaux tout en se reposant sur un marché régional actif.
Le ministre s’est également exprimé sur la question sensible des « dettes cachées », sujet relancé depuis la publication d’audits budgétaires. Sur ce point, il a tenu à clarifier la position du gouvernement : « C’est la loi qui exige qu’un nouveau pouvoir fasse l’audit des finances publiques pour établir un état des lieux. Le Fonds monétaire international parle de misreporting, c’est-à-dire la transmission de données erronées. Celui qui transmet des données erronées cache la vérité des chiffres à celui qui devait recevoir des informations exactes. »
Abdourahmane Sarr reconnaît l’existence de ces écarts, mais il en situe la cause dans des pratiques antérieures. « Dans notre cas, l’ampleur était significative et les causes sont connues, ce sont des dépenses extra-budgétaires qui ont été faites sans autorisation du Parlement et sans comptabilisation sur le stock de la dette », a-t-il indiqué.
Récemment, Macky Sall s’est prononcé sur cette question lors d’un entretien. Il avait notamment déclaré qu’il était impossible de « cacher » une dette publique. Abdourahmane Sarr de répondre : « Dans la mesure où les données transmises et connues du transmetteur ne correspondent pas, c’est du misreporting. Le corollaire, c’est évidemment que celui qui a transmis les données a caché la vérité. »
Il indique que pour rétablir la transparence, le gouvernement a engagé plusieurs démarches. « L’Inspection générale des finances a d’abord mené son travail, suivie de la Cour des comptes. Et pour renforcer la crédibilité de l’exercice, nous avons commandité un audit par un cabinet privé international », a détaillé le ministre. Les conclusions de cet audit, désormais partagées avec le FMI, fixent la dette à « 118 % ou 119 % du PIB », un niveau désormais reconnu par les institutions internationales.
Quant à la question d’une renégociation ou d’un rééchelonnement, Abdourahmane Sarr a tenu à indiquer qu’il n’y a pas péril en la demeure. « La maturité de la dette se situe entre neuf et dix ans, son coût moyen reste faible et la croissance, portée par les hydrocarbures et les réformes à venir, demeure solide », fait-il savoir.
Enfin, il a réaffirmé l’importance du partenariat avec le Fonds monétaire international : « Le FMI est une institution respectée qui peut donner un gage de confiance à certains investisseurs. Une fois le misreporting dépassé et la viabilité de la dette confirmée, nous pourrons poursuivre une relation normale et transparente. »
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