Elles ont prêté leur voix, leur visage et leur grâce à l’histoire audiovisuelle du Sénégal. Depuis les premières heures de la télévision nationale jusqu’à l’ère des chaînes privées et du numérique, les femmes présentatrices ont marqué des générations, brisé des barrières et imposé leur style. Retour sur un parcours aussi inspirant que méconnu.
Dans un pays où l’écran est devenu miroir de la société, les présentatrices télé incarnent bien plus que l’information : elles sont style, force et présence. Du plateau de l’Office de radio et télévision sénégalaise (Orts) dans les années 1970 aux chaînes d’aujourd’hui, elles naviguent entre rigueur journalistique et exigence esthétique, entre tradition et modernité. Le petit écran sénégalais a connu de nombreuses femmes qui ont marqué des générations entières de téléspectateurs. De Sokhna Dieng Mbacké, qui fut la première femme à présenter le journal télévisé en 1972 à l’Orts, à l’une des plus jeunes, Adama Anouchka Ba ou encore Mariama Dramé, en passant par Elisabeth Ndiaye, Adrienne Diop, Seynabou Diop ou encore Minielle Barro, elles auront brisé des tabous, fait sensation, mais surtout montré la voie à suivre. Seynabou Diop a fait partie de celles qui ont démocratisé la présence des femmes à l’écran.
Aujourd’hui, cette référence donne son point de vue sur son métier. Selon elle, à l’école de journalisme, on n’y apprend pas à lire un prompteur, mais on y devient journaliste au sens propre du terme, avec une formation ancrée dans l’éthique, la déontologie et la polyvalence, ce qui permet d’exercer dans tous les aspects du métier : reportage, analyse, enquête, chronique… Selon elle, la présentation n’est qu’une étape qui arrive en complément. « À mon arrivée à la Rts, j’ai commencé comme reporter. C’est seulement plus tard qu’il a été décidé que je présenterais le journal télévisé, une mission que j’ai assumée pendant vingt ans. Puis, de mon propre chef, j’ai choisi de m’arrêter : j’avais atteint une forme de saturation et j’éprouvais le besoin d’explorer d’autres horizons. C’est à ce moment que j’ai été nommée directrice de la Télévision nationale, avant d’occuper d’autres fonctions. Aujourd’hui, je me consacre à une émission sur la diplomatie, un domaine qui me passionne et qui élargit ma perspective », explique-t-elle. Avant Seynabou Diop, d’autres femmes avaient tracé le sillon. Adrienne Diop fait partie des pionnières. À son arrivée à la Rts en 1981, elle n’était que la troisième femme à y travailler comme journaliste. « C’est vrai qu’à l’époque, on n’était que trois. Donc, c’était plus un bastion masculin. Et c’est après, heureusement, que le métier s’est féminisé. Et je vois avec plaisir que maintenant, il y a beaucoup de jeunes dames qui exercent ce métier. Et pour le grand bien du journalisme », se réjouit-elle. Néanmoins, cela n’a absolument pas dérangé ses collègues masculins. « J’étais la benjamine. Et j’avais deux grandes sœurs qui étaient là avant moi, Sokhna Dieng et Elisabeth Ndiaye, qui se sont comportées comme de véritables grandes sœurs. Ainsi que tous les confrères qui m’ont aussi ouvert le chemin, qui m’ont mis le pied à l’étrier. Je n’ai eu aucun problème. Le fait d’être femme n’a jamais été un obstacle. J’allais partout où on m’envoyait. Je n’ai senti aucune discrimination », évoque-t-elle.
Un métier qui évolue
Cependant, être journaliste et être présentatrice peuvent avoir des différences fondamentales. Pape Atoumane Diaw, journaliste formateur en télévision, donne quelques qualités qui sont indispensables pour être une bonne présentatrice. « La journaliste-présentatrice doit d’abord faire preuve d’une aisance devant les caméras. Elle doit avoir une élocution claire et un abord chaleureux. Elle doit être capable de transformer un écrit en message oral accessible à tout le monde. Elle doit avoir une connaissance pointue de l’actualité et des connaissances générales dans de nombreux domaines. Elle doit avoir une aptitude à travailler en équipe et une faculté d’adaptation et de disponibilité à répondre à des changements parfois de dernière minute. Elle doit avoir la capacité de faire du direct, notamment lors d’événements exceptionnels. Bref, elle doit avoir un style sobre et du charisme », décline-t-il d’abord.
Le journaliste de la Rts va également être catégorique : il n’y a pas de différence entre un homme et une femme quand il s’agit de présenter. « La pratique du métier ne fait pas de différence entre un homme et une femme. C’est vrai que la télévision est, en partie, un jeu de séduction. Et sur ce plan, les femmes ont une longueur d’avance sur les hommes. Ce qui ne saurait toutefois justifier le choix des chaînes de télévision sénégalaises, aujourd’hui envahies par ce que j’appellerai les “mannequins de l’information”. Il ne suffit pas d’avoir une tête bien faite, il faut surtout qu’elle soit bien pleine. Vous mesurez souvent le niveau de connaissances très faibles de nos présentatrices quand elles reçoivent un invité sur le plateau », précise-t-il.
Par Le Soleil
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