Le karma, dans son acception populaire, est cette idée que nos actions passées, bonnes ou mauvaises, finissent par nous rattraper, comme un boomerang lancé dans l’univers. C’est une sorte de justice immanente, où les choix que nous faisons tracent le chemin de ce que nous récolterons plus tard.
Au Sénégal, cette notion semble s’incarner de manière frappante dans la trajectoire politique récente de Barthélémy Dias et Khalifa Sall, qui paraissent aujourd’hui victimes de ce karma face à l’élection surprise d’Abass Fall, candidat de Pastef – parti minoritaire au Conseil municipal- à la mairie de Dakar.
Rappelons que Barthélémy Dias a été élu maire de la capitale en janvier 2022. Si sa pugnacité et ses mérites personnels ont joué un rôle, son succès doit beaucoup à Ousmane Sonko, leader de Pastef. À l’époque, M. Sonko, figure montante de l’opposition, aurait pu briguer la mairie ou désigner un candidat de son parti. Pastef, avec son ancrage populaire, aurait probablement raflé la mise. Mais M. Sonko a choisi la stratégie de l’unité au sein de la coalition Yewwi Askan Wi, soutenant M. Dias et son allié Khalifa Sall. Les trois hommes incarnaient alors, tout du moins en apparence, une alliance solide, s’affichant côte à côte lors des conférences de presse quasi hebdomadaires de Yewwi ou lors des différentes manifestations de l’opposition. Cette période était une véritable lune de miel politique : M. Dias, dans un élan d’ouverture, avait même intégré des figures proches de M. Sonko, comme le capitaine Seydina Touré et Guy Marius Sagna, dans son équipe.
Mais cette fraternité n’a pas résisté à l’épreuve du temps. À l’approche de l’élection présidentielle de 2024, les ambitions personnelles de chacun et les déboires judiciaires de M. Sonko ont fissuré l’alliance. Takhawu Sénégal, porté par Khalifa Sall et Barthélémy Dias, a pris ses distances d’un Sonko devenu encombrant. Une séquence marquante illustre ce revirement : lorsque le journaliste Pape Alé Niang interrogeait Khalifa Sall sur sa participation à la présidentielle, ce dernier répondit froidement « Na bokk rek » (« l’essentiel est que je participe »), trahissant une ambition personnelle au détriment de la solidarité d’antan. De son côté,M. Dias a multiplié les piques cyniques contre Sonko et a rompu bruyamment avec Abass Fall, qui fut son adjoint.
.Aujourd’hui, l’élection d’Abass Fall, fervent lieutenant de Sonko au sein de Pastef, à la mairie de Dakar, sonne comme une sorte de pied de nez de l’histoire.
Ce dénouement invite la classe politique sénégalaise à méditer. Pastef, malgré les critiques qu’on peut lui adresser, se distingue par une constance rare : un sens de l’honneur, de la fidélité et une conviction inébranlable. Pendant les années de braise dans l’opposition, marquées par des arrestations et des emprisonnements, le parti est resté uni, sans défection notable.
Cette résilience a réhabilité des valeurs souvent galvaudées dans la politique traditionnelle : loyauté, honneur, cohérence. Et le peuple sénégalais, particulièrement sensible à ces qualités, l’a bien compris.
A contrario, beaucoup de leaders de l’ancien pouvoir ont tourné le dos à Macky Sall depuis son départ. L’alliance Khalifa Sall – Barthélémy Dias n’a pas non plus résisté aux récents revers de fortune de leur formation politique. Il se dit d’ailleurs que M. Sall a un peu savonné la planche de son ancien poulain lors de ce processus électoral.
Le karma, dit-on, ne pardonne pas. En politique comme ailleurs, il rappelle que les alliances trahies et les gestes désintéressés oubliés finissent toujours par peser dans la balance. PASTEF, en s’imposant à Dakar, incarne cette leçon : la fidélité et la conviction, même dans l’adversité, peuvent renverser les calculs opportunistes. À bon entendeur…
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