C’est l’ascension discrète mais fulgurante d’un juriste entièrement dévoué au service de la justice. Culmination d’une carrière remarquable, Mame Mandiaye Niang a été élu Procureur adjoint de la Cour pénale internationale (CPI) le 10 décembre 2021 par l’Assemblée des États parties au Statut de Rome, avant de prêter serment le 7 mars 2022. Cette nomination est l’aboutissement d’un parcours riche, alliant une solide expérience nationale à une reconnaissance internationale. Aujourd’hui, il est au cœur de l’actualité dans l’exercice de ses fonctions.
« Une atteinte au principe de l’indépendance de la justice ». C’est ainsi que le Sénégal a qualifié la décision américaine de geler les biens de Mame Mandiaye Niang, le procureur adjoint sénégalais à la CPI.
Un juriste sous sanctions américaines
Washington lui reproche d’avoir mené « des enquêtes illégitimes visant des ressortissants américains et israéliens sans le consentement de leurs gouvernements respectifs ». Le Premier ministre Ousmane Sonko a apporté son « soutien total et indéfectible » au magistrat, affirmant que le gouvernement se tiendrait « résolument à ses côtés » pour faire face à des mesures qu’il juge « injustes et infondées », saluant au passage « l’engagement profond » du procureur envers les principes fondamentaux de la justice. L’exécutif sénégalais a également invité les autorités américaines à retirer ces sanctions.
Un pur produit sénégalais
Malgré la pression et les sanctions, Mame Mandiaye Niang a fait preuve d’une grande sérénité. Dans une déclaration, il a réaffirmé sa détermination à poursuivre sa mission : « Nous resterons debout et servirons la justice pénale internationale comme nous l’avons fait pour la justice de notre pays. » Sa fermeté n’est pas de la simple bravade. Pour le magistrat, les sanctions américaines, bien que venant d’une puissance mondiale, ne peuvent remettre en question un idéal universel : « je crois que c’est pour la bonne cause, parce que les États-Unis, c’est vrai, c’est un pays très puissant, mais ce que le monde partage, c’est cet idéal de justice qu’on a toujours rendu ici, particulièrement en Afrique ». Il met en garde contre les conséquences de telles mesures : « Ce serait dommage qu’à travers certaines manifestations de contrariété, on puisse remettre en cause la CPI ». En juriste, il a également rappelé la base légale de leurs actions : « Le droit pénal est attaché à plusieurs critères, y compris celui de la territorialité. Si vous commettez des infractions dans le territoire de quelqu’un qui reconnaît notre compétence, cette règle permet que nous soyons compétents ».
Une carrière internationale affirmée
Cette posture inébranlable reflète les traits de caractère de ce pur produit de la formation sénégalaise. Diplômé de l’École nationale d’Administration et de Magistrature de Dakar, il a occupé de hautes fonctions au sein du système judiciaire national. Son ascension a été progressive : Substitut du Procureur et Juge au Tribunal régional hors classe de Dakar, Procureur général près la Cour d’appel de Saint-Louis, Auditeur à la Cour suprême, puis Directeur des Affaires criminelles et des Grâces au ministère de la Justice, où il a joué un rôle clé dans l’administration judiciaire du pays. Son expertise l’a rapidement conduit à la scène internationale. Il a été juriste hors classe et chef de cabinet du Greffier au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) en 2013, représentant régional de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) pour l’Afrique australe (2011-2013), et juge à la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie et du TPIR.
À bonne école

Chercheur et pédagogue dans l’âme, M. Niang est également un auteur prolifique, publiant de nombreux articles en français et en anglais et co-signant plusieurs ouvrages de référence en droit international humanitaire et en procédure pénale. Son savoir est sollicité par de prestigieux établissements académiques, tels que le Centre de Formation judiciaire du Sénégal, l’Université nationale du Rwanda et l’Institut de Droit international de l’Université de Makerere en Ouganda. Membre actif de la profession, il appartient à l’Union des magistrats sénégalais et à la section sénégalaise de l’Association internationale de Droit pénal.
Au cœur d’un bras de fer diplomatique
Le 20 août, les États-Unis ont annoncé des sanctions contre plusieurs hauts responsables de la CPI, dont Mame Mandiaye Niang, aux côtés de Kimberly Prost (Canada), Nicolas Guillou (France) et Nazhat Shameem Khan (Fidji). Washington les accuse d’avoir mené des « enquêtes illégitimes » contre des ressortissants américains et israéliens sans consentement. Depuis La Haye, la CPI a dénoncé ces mesures comme une « atteinte flagrante » à son indépendance et réaffirmé sa détermination à poursuivre son mandat en toute impartialité. À 64 ans, le Sénégalais demeure une référence dans la justice nationale et internationale.
source/Le Soleil
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