Le lac Retba (son nom moins connu), qui avait perdu sa couleur depuis 2022, est redevenu rose. Une bonne nouvelle, signe d’espoir et de redémarrage des activités pour les nombreux acteurs qui gravitent autour du célèbre site qui accueillait jadis l’arrivée du rallye Paris-Dakar.
Accompagné de deux jeunes filles au teint clair, Ousmane marche d’un pas assuré vers les pirogues qui sont sur la berge. « Montez ! », dit-il à ses deux accompagnantes qui s’exécutent joyeusement. Avec une longue branche trempée au fonds de l’eau, le jeune piroguier fait avancer l’embarcation de fortune au bout de laquelle est accroché le drapeau du Sénégal. C’est parti pour une randonnée d’une vingtaine de minutes sur le Lac Rose. Le lac mondialement connu est redevenu fréquentable, depuis deux mois. Il a retrouvé sa couleur après l’avoir perdu, depuis trois années à cause des eaux de pluie qu’on y avait déversées. Noumoussira, l’une des jeunes femmes qui se baladent à bord de la pirogue n’en n’est pas à sa première visite.
« J’y suis venue la première fois en 2013. Aujourd’hui, je viens accompagner mon amie comorienne. On a vraiment de la chance de revoir la couleur Rose », s’émerveille la jeune fille. Après ce tour en pirogue, les deux touristes prennent les quads pour s’offrir une nouvelle balade, cette fois dans les dunes menant à l’intérieur de la bande des filaos. Ces derniers jours, les touristes qui débarquent sur le site touristique, proviennent pour la plupart de l’Hexagone. C’est le cas du couple Chabridon trouvé dans le village artisanal. « Je suis présentement à Pointe Sarène, mais j’ai tenu à venir visiter le Lac. C’est la première fois. C’est super », s’exclame Steven Chabridon.
Actuellement, l’arrivée des touristes fait des heureux et les piroguiers comme Ousmane enchaînent les rotations. Les conducteurs de dromadaires, de véhicules « Land rover » ou de quads sortent petit à petit de leur torpeur. Les vendeuses d’objets d’art, de décoration ou de souvenirs découvrent de nouveaux clients. C’est le cas d’Aminata Diouf, trouvée en train de coudre des bracelets ou encore des colliers en perles qu’elle propose aux visiteurs. « Même si les touristes ont commencé à venir, il faut reconnaître qu’ils n’achètent pas grand-chose », révèle la vendeuse. Pensionnaire du village artisanal, Baye Diaw se dit « satisfait» de voir le lac retrouver sa couleur Rose ainsi que le retour des touristes.
Seulement, ce septuagénaire estime que la reprise des activités est encore timide. « On a tous remarqué que les touristes viennent, mais quand ils sont là ils ont un agenda fixe. Certains guides ne les laissent même pas passer nous voir ici », s’étonne le vieil homme. Toujours est-il que, selon Amadou Bokoum Diouf, le président du syndicat d’initiative et du tourisme du Lac Rose, c’est une page nouvelle que les acteurs sont en train de vivre avec ce retour à la couleur rose. « Il faut dire que ces trois dernières années, nous avons essayé de mener des activités sans cette couleur. C’est un retour à la normale, puisque l’attrait du Lac Rose c’est sa couleur », explique-t-il.« Depuis 2022, on n’a pas pu travailler… » C’est en 2022, lors de fortes pluies enregistrées dans certains quartiers de Dakar, notamment ceux jouxtant le Lac Rose que l’Etat a décidé d’y déverser une grande partie de cette eau. Cette décision va vite impacter le lac en changeant sa couleur. Le soulagement des quartiers inondés va se traduire par un énorme cauchemar des acteurs touristiques et des villages environnants.
La profondeur du Lac passe de 2,5 m à 6 m en quelques jours. Le trop plein va inonder des hôtels, des restaurants et quelques cantines du village artisanal. « Il y a des hôtels qui ont perdu une partie de leurs infrastructures, comme des piscines et autres, parce que le niveau était tellement élevé. Au niveau du village artisanal, ils ont perdu une dizaine de cantines à cause de l’excédent d’eau. Pour ce qui est de l’exploitation de sel aussi, toutes les activités ont été arrêtées », rappelle Amadou Bokoum Diouf.
Près de 60.000 tonnes de sel étaient récoltées chaque année
Cette situation fera une mauvaise publicité à ce lieu de détente. Les touristes du monde se détournent du Lac Rose et les nationaux privilégient d’autres localités du pays. Plusieurs restaurants vont fermer, des hôteliers sont obligés de se séparer d’une partie de leur personnel. Les exploitants de sel qui font partie du décor du Lac Rose ressentent durement cette nouvelle donne. « Depuis 2022, on n’a pas pu travailler normalement. », signale Maguette Ndiour, président de la Coopérative des exploitants de sel du Lac.
Les chercheurs de sel d’habitude si nombreux sur le site se comptent, actuellement, avec les doigts. « Il y avait beaucoup d’eau et cela a joué un rôle de dissolution importante. Il faut un certain temps pour que le lac soit plus salé pour qu’on ait du sel. On croit reprendre les activités normalement au mois de juin si on a une forte chaleur d’ici là », espère Maguette Ndiour. A l’heure actuelle, avec cette reprise de couleur, l’espoir est permis. Hôteliers, guides, restaurateurs, exploitants de sel et même les populations des villages environnants espèrent des jours meilleurs.Le Lac rose a toujours été un important site d’exploitation du sel, l’activité faisant travailler plus de 3000 personnes. Chaque année, près de 60.000 tonnes de sel étaient extraites du Lac rose, selon Maguette Ndiour, président de la coopérative des exploitants. Cet or blanc était d’ailleurs exporté un peu partout en Afrique notamment au Mali, au Burkina Faso, au Niger, Côte d’ivoire, Guinée bissau et en Guinée. Aujourd’hui, cette activité bat de l’aile. Les diverses agressions que subit le lac et la surexploitation de la ressource y sont pour quelque chose.
Maguette NDONG
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