Depuis septembre 2024, la révélation d’une dette cachée représentant 119 % du PIB sénégalais a agi comme un électrochoc. L’affaire met en évidence une opacité budgétaire qui rappelle de sombres précédents sur le continent. Le Mozambique s’était déjà enlisé entre 2013 et 2016 avec les tuna bonds, une dette secrète de deux milliards de dollars qui avait conduit à une crise institutionnelle et à la suspension des financements internationaux. La Sierra Leone, en 2018, avait connu des irrégularités similaires, avec des milliards dissimulés hors des radars de ses propres organes de contrôle.
Le Sénégal rejoint ainsi une liste où figurent d’autres expériences lourdes de conséquences. Le Ghana avait dû déclarer en décembre 2022 un moratoire sur sa dette extérieure, avant de restructurer 9,4 milliards de dollars en 2024, révélant une dépendance préoccupante aux marchés financiers. Le Tchad, entre 2013 et 2014, avait contracté une dette opaque auprès du négociant Glencore, gagée sur ses revenus pétroliers, qu’il a été contraint de renégocier en 2024 sous la pression du FMI.
Ces trajectoires convergentes dessinent une réalité dérangeante pour les économies africaines. La dette, censée être un outil de financement du développement, devient un terrain de fragilités structurelles lorsque la transparence est absente. L’opacité des contrats, la dépendance aux fluctuations des matières premières et l’emprise des bailleurs internationaux créent une triple vulnérabilité qui limite la marge de manœuvre des États.
Pour le Sénégal, ce scandale dépasse la seule question de chiffres. Il interroge la gouvernance budgétaire, l’efficacité des organes de contrôle et la crédibilité internationale du pays. La comparaison avec ses voisins montre que le problème est moins individuel que systémique. L’Afrique peine encore à construire des mécanismes solides de transparence et de soutenabilité de la dette, condition indispensable pour préserver sa souveraineté économique.
La dette cachée du Sénégal n’est donc pas un accident isolé. Elle s’inscrit dans une tendance où l’opacité mine la confiance, retarde les réformes et fragilise les trajectoires de croissance. C’est tout un modèle de gestion publique qui est appelé à se transformer pour éviter que l’endettement ne devienne un piège durable.
Laisser une Réponse