7 milliards de dettes cachées : le FMI confirme, le Sénégal retient son souffle

 

Le FMI vient de confirmer l’existence d’une dette cachée de 7 milliards de dollars : un séisme budgétaire qui révèle l’ampleur des failles héritées. Face à ce constat, les nouvelles autorités ont choisi la transparence totale, quitte à ébranler la confiance des marchés. Mais le Sénégal ne se précipite pas : il mise sur la sérénité, la diplomatie et la sagesse des actionnaires du Fonds pour trouver une issue juste et équitable.

La mission récente du Fonds monétaire international à Dakar a mis fin à des mois de supputations. Les doutes sont levés : le Sénégal hérite bien d’une dette cachée de près de sept milliards de dollars, contractée sous l’ancien régime et longtemps dissimulée. Cette confirmation n’est pas qu’un constat comptable. Elle marque un moment de vérité, un choc économique, mais aussi un tournant politique. Car au-delà des chiffres, cette révélation bouleverse l’image du pays, recompose ses équilibres financiers et redéfinit son rapport avec ses partenaires.

Face à ce constat, le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ont choisi un chemin rare : celui de la transparence totale. Ils ont pris la responsabilité de porter cette vérité à la connaissance des citoyens et du monde, en pleine conscience des risques que cela comporte : fragiliser la confiance des marchés, compliquer les discussions avec certains bailleurs, exposer le pays à de nouvelles incertitudes. Ce geste n’était pas une option. C’était un devoir. Gouverner, c’est parfois refuser la facilité du silence pour assumer la complexité de la vérité. Dans une époque où les équilibres affichés apaisent les marchés mais masquent les véritables vulnérabilités, le Sénégal a fait un pari audacieux : parler d’abord, réformer ensuite. Aujourd’hui, le FMI vient de valider ce choix. Les chiffres annoncés étaient exacts, les dissimulations réelles, l’héritage budgétaire confirmé.

Cette confirmation ne clôt pas le dossier ; elle l’élève et place désormais le Sénégal dans une posture singulière. D’un côté, un pays qui assume, explique et corrige. De l’autre, une institution multilatérale qui reconnaît les faits, mais qui doit encore définir sa position. La décision finale appartient au conseil d’administration du FMI. Le gouvernement, de son côté, a choisi l’attente stratégique. Pas d’émotion. Dakar privilégie la sérénité, la concertation, la patience. Le pays mise sur la sagesse des actionnaires et sur l’esprit de partenariat qui a toujours encadré les relations avec le Fonds. C’est un choix de responsabilité autant que de dignité : défendre les intérêts du Sénégal tout en respectant les procédures, les équilibres et le dialogue.

Cette retenue n’est pas une faiblesse. C’est une stratégie. Elle permet au pays de consolider ses arguments, de renforcer sa crédibilité et de préparer les réformes nécessaires pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise. La révélation de cette dette cachée a mis à nu les failles de nos mécanismes de gouvernance budgétaire. C’est dans cet esprit qu’une piste sérieuse de réforme pourrait consister à transformer l’actuelle Direction de la dette et des investissements en une Agence nationale indépendante de la dette publique. Une telle structure, dotée d’une autonomie renforcée et d’une transparence irréprochable, aurait pour mission de centraliser l’ensemble des engagements financiers de l’État, de publier des rapports accessibles, de garantir la soutenabilité des emprunts et de restaurer la confiance, tant auprès des citoyens que des partenaires financiers. Une telle orientation représenterait une réforme de rupture, capable de rétablir la discipline budgétaire et de prévenir les zones d’ombre qui ont permis de telles dérives.

Mais cette crise dépasse les frontières nationales. Elle met aussi en lumière les responsabilités partagées. Pendant des années, des trajectoires macroéconomiques ont été validées par les institutions financières internationales sur la base de données incomplètes, parfois optimistes. En confirmant aujourd’hui l’existence de cette dette cachée, le FMI engage aussi sa propre crédibilité. Car la transparence ne peut pas être à sens unique : si les États doivent rendre des comptes, les institutions qui les accompagnent doivent également interroger leurs méthodes, renforcer leurs contrôles et accepter de se réformer. Cette situation pourrait même devenir un catalyseur d’évolution pour les mécanismes de supervision financière internationale, où les exigences de rigueur doivent s’imposer à tous, gouvernements comme bailleurs.

À l’heure où les marchés financiers scrutent chaque signal venu de Dakar, le Sénégal joue une partie fine. La transparence, loin de fragiliser la confiance des investisseurs, peut au contraire la renforcer. En révélant l’ampleur des engagements hérités, le pays affiche un niveau rare de responsabilité. Les marchés apprécient la prévisibilité et la sincérité : un État qui cache sa réalité inquiète, un État qui assume ses chiffres inspire confiance. Cette démarche consolide la crédibilité du Sénégal auprès des agences de notation et protège, à terme, ses conditions d’accès au financement international. Dans un monde où les capitaux circulent vite et sanctionnent brutalement l’opacité, choisir la vérité, c’est protéger l’avenir.

Cette séquence interroge également le rapport entre l’État et sa jeunesse. Car derrière les chiffres se cache une réalité sociale : les générations futures hériteront de ces engagements. Le gouvernement, en révélant la dette, assume une forme de pédagogie démocratique. Il replace les citoyens, et particulièrement les jeunes, au cœur de l’information. Comprendre la situation budgétaire du pays, c’est participer au débat public et au contrôle citoyen. Cette démarche renforce le contrat social : elle oblige les institutions à rendre des comptes et engage chaque acteur à préserver l’intérêt collectif. La transparence ne se limite pas aux chiffres ; elle dessine une nouvelle relation entre l’État et les Sénégalais.

Ce moment appelle également à replacer la question de la dette dans une perspective plus large : celle de la Vision Sénégal 2050. Car l’enjeu ne se résume pas à solder un passif ; il s’agit de garantir la capacité du pays à financer ses ambitions de développement. Les infrastructures stratégiques, l’éducation, la santé, la transition énergétique, la souveraineté alimentaire : tous ces objectifs exigent une gestion budgétaire saine et crédible. La décision à venir du FMI aura un impact direct sur la trajectoire du pays et sur sa capacité à réaliser cette vision à long terme. Le choix de la transparence, aujourd’hui, prépare la solidité économique de demain.

Enfin, l’approche sénégalaise a une résonance continentale. Dans un contexte où plusieurs pays africains font face à des crises d’endettement, la posture de Dakar pourrait inspirer d’autres États : assumer la vérité, exiger la transparence et privilégier la diplomatie. La gestion de cette séquence dépasse le cadre bilatéral entre le Sénégal et le FMI. Elle peut contribuer à redéfinir la place des économies africaines dans les rapports financiers mondiaux, en montrant qu’il est possible de défendre sa souveraineté sans rompre le dialogue, d’affirmer sa dignité tout en restant dans le cadre des partenariats multilatéraux. Cette dimension, subtile mais décisive, place le Sénégal au centre d’une réflexion plus vaste sur la gouvernance financière internationale.

L’avenir immédiat se joue donc dans la patience. La diplomatie est désormais au centre du jeu. La vérité des chiffres est établie. La parole du Sénégal a été confirmée. Le pays se tient désormais dans l’attente d’une décision qui devra être juste, équitable et à la hauteur de la gravité des faits. Cette sérénité n’exclut pas la détermination : le gouvernement a choisi la clarté, la responsabilité et le respect des procédures. Le Sénégal, fort de la transparence qu’il a assumée, avance confiant. Parce que la vérité, une fois révélée, ouvre toujours la voie à des solutions durables.

La transparence a permis d’éclairer le passé. La diplomatie, désormais, doit permettre de bâtir l’avenir.

Hady TRAORE

Expert-conseil

Gestion stratégique et Politique Publique-Canada

Fondateur du Think Tank : Ruptures et Perspectives

hadytraore@hotmail.com