La Chine appelle à une organisation mondiale pour encadrer l’intelligence artificielle : une chance pour l’humanité ?

L’intelligence artificielle est un miroir : elle amplifie nos valeurs autant que nos failles. Si elle est conçue sans éthique, elle reproduira nos biais. Si elle est bâtie sans inclusion, elle exclura les voix les plus fragiles. Mais si elle est portée par la justice, la transparence et l’empathie, elle peut devenir l’un des plus puissants leviers de progrès jamais offerts à l’humanité…

Face à l’accélération fulgurante des technologies d’intelligence artificielle (IA), la Chine a récemment proposé la création d’une organisation mondiale dédiée à l’encadrement et à la gouvernance de l’IA. Une initiative qui, au-delà des rivalités géopolitiques, pourrait marquer un tournant historique pour l’avenir de l’humanité.

Une réponse aux dérives potentielles de l’IA

La Chine justifie sa proposition par l’urgence d’éviter les dérives technologiques liées à l’usage croissant de l’IA dans des domaines aussi sensibles que la surveillance, les systèmes militaires autonomes, la désinformation ou encore le marché du travail. En l’absence de régulation claire, le développement de l’intelligence artificielle pourrait rapidement échapper à tout contrôle humain.

« L’intelligence artificielle ne doit pas devenir un outil d’oppression ou de domination technologique, mais un levier de coopération et de progrès partagé », a déclaré un haut représentant du gouvernement chinois lors du dernier forum sur la gouvernance numérique mondiale.

Une gouvernance multilatérale pour un enjeu global

L’organisation proposée aurait pour mission de :

Définir des règles et principes éthiques universels, applicables aux États et aux entreprises.

Contrôler les usages sensibles de l’IA, notamment dans les domaines militaire et sécuritaire.

Promouvoir un développement équitable, en permettant aux pays du Sud de bénéficier des avancées technologiques.

Surveiller les pratiques des grandes plateformes, en garantissant la transparence des algorithmes et la protection des données personnelles.

Une telle structure viserait à remettre l’humain au centre des priorités technologiques, en fixant des garde-fous à l’essor incontrôlé de l’IA générative et de l’intelligence artificielle générale (AGI).

Un contrepoids aux géants de la Silicon Valley ?

Cette proposition est aussi perçue comme une tentative de la Chine de contrebalancer l’influence des géants américains du numérique, qui dominent aujourd’hui la recherche et la commercialisation de l’IA. OpenAI, Google, Microsoft, Meta ou encore Amazon façonnent en grande partie les règles du jeu, souvent sans consultation des autres États, en particulier ceux du Sud.

En appelant à une approche plus inclusive et multilatérale, la Chine souhaite repositionner le débat à l’échelle des Nations unies ou d’un nouvel organe dédié, à l’image de ce que représente l’AIEA pour le nucléaire.

Un projet qui soulève des questions

Si l’intention affichée est louable, plusieurs défis restent à relever pour que ce projet voie le jour :

Comment garantir l’indépendance et la neutralité de l’organisation ?

Quelle sera la place des pays en développement dans la gouvernance ?

L’Occident – notamment les États-Unis – acceptera-t-il une initiative chinoise sur un domaine aussi stratégique ?

Malgré ces interrogations, de nombreux experts et acteurs du Sud saluent cette initiative, espérant qu’elle ouvre la voie à une gouvernance technologique mondiale plus équitable.

Une opportunité à saisir

Dans un monde de plus en plus interconnecté, l’IA transcende les frontières. Sa régulation ne peut plus être laissée à des logiques nationales ou commerciales. La proposition chinoise, quelle que soit son issue politique, a au moins le mérite de relancer un débat fondamental : comment faire de l’intelligence artificielle un bien commun de l’humanité, plutôt qu’un vecteur de domination ou de division.

Lamine SENE

Cofondateur de SYRATE