Face à l’attaque survenue à Diboli, à deux kilomètres seulement de la frontière sénégalaise, les inquiétudes sur l’extension du terrorisme vers le sud du Sahel ressurgissent. Dans une interview exclusive accordée à L’Observateur, le Général Mamadou Mansour Seck, ancien Chef d’état-major général des armées (CEMGA), tente de rassurer, tout en appelant à « une vigilance constante ». Selon lui, si le Sénégal « s’en sort jusqu’à maintenant », c’est en grande partie grâce à « une bonne stratégie, une bonne armée et un bon service de renseignement ».
« Bakary Samb de Timbuktu avait déjà attiré l’attention sur le fait que les jihadistes se rapprochent de nous », rappelle-t-il. L’ancien ambassadeur du Sénégal à Washington estime néanmoins qu’il faut éviter tout affolement : « Il ne faut pas s’affoler, mais être en alerte permanente. Je crois que c’est la position du Sénégal et je fais confiance à nos Forces de défense et de sécurité. »
Conscient de la proximité croissante de la menace, il précise : « Ils sont à nos portes. Mais nos services de renseignement en savent plus que moi et vous. » Le général souligne également les mesures déjà prises sur le terrain : « Cette zone a été complètement renforcée aussi bien par les Forces armées que la Gendarmerie. »
Pour lui, la situation du Sénégal est particulière dans un Sahel fragilisé : « Le Sénégal est un défi particulier parce qu’il a su se maintenir alors que tous les autres pays du G5 Sahel ont sombré plus ou moins. » Il évoque notamment « les trois pays qui ont quitté la CEDEAO – Mali, Burkina et Niger » et l’infiltration djihadiste vers le Golfe de Guinée.
Sur les zones les plus vulnérables du territoire, il n’a aucun doute : « Géographiquement, la zone des trois frontières entre la Guinée, le Mali et la Mauritanie est la plus critique. » Il insiste toutefois sur le caractère imprévisible des attaques : « Ils peuvent aussi attaquer à Matam. »
Le Général Seck insiste sur l’importance du renseignement dans une guerre qu’il qualifie d’« asymétrique » : « Ce ne sont pas des chars contre des chars, ils s’attaquent à notre société. » Selon lui, « le renseignement est fondamental », car « dans cette guerre, personne ne peut dire qu’il a gagné à 100 % ».
Il plaide pour une meilleure coordination entre les services : « Il faut une interaction horizontale. Un service peut avoir une information mais ne pas être le mieux placé pour agir. » Il met aussi en garde contre la guerre psychologique : « Ces gens-là maîtrisent les technologies modernes de communication. Ils utilisent “Allahou Akbar” pour convaincre, surtout sur les réseaux sociaux. »
Sur le plan régional, le Général Seck se montre sceptique quant à l’efficacité du G5 Sahel : « Je ne pense pas que le G5 soit une réussite. L’idéal aurait été de travailler ensemble, mais ces États ont quitté la CEDEAO. » Il mise plutôt sur les capacités internes : « Chez nous, soyons prêts et en alerte. C’est ce que nos autorités font. »
Concernant le retrait des forces françaises du Sahel, il reste ferme : « Le Sénégal n’a jamais eu recours aux forces françaises. Nous avons notre force, notre souveraineté, et on prend les mesures qu’il faut. » Il ajoute : « S’il n’y avait pas eu les Français, les jihadistes seraient arrivés à Bamako. »
Le Général insiste aussi sur la nécessité d’un Human Intelligence efficace : « Aux États-Unis, après le 11 septembre, ils ont compris qu’ils ignoraient mal ce qu’on appelle “le renseignement humain”. Il faut connaître l’ennemi, sa culture. »
Autre levier fondamental à ses yeux : la participation des populations. Il évoque « des soldats sans fusil » et propose que « les citoyens participent au renseignement, comme les Anglais avec Scotland Yard. » Il suggère : « Dans les quartiers, les jeunes doivent être sensibilisés pour rapporter toute anomalie. »
Sur la question de la radicalisation intérieure, il avertit : « Les réseaux sociaux peuvent déformer le message religieux. Le Sénégal a un islam tolérant, pas celui des salafistes. »
Enfin, pour garantir la sécurité à long terme, il plaide pour un renforcement du budget militaire : « J’ai proposé au Président que le budget de la Défense atteigne 2 à 3 % du PIB, comme dans les normes de l’OTAN. » Il conclut avec confiance : « Le Sénégal n’a jamais compté sur personne pour sa sécurité. J’ai confiance en nos forces de défense et en nos services de renseignement. »
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